27/08/2010

11. Printemps 1996

Printemps 1996

Depuis le mois de septembre 1995, je suivais des cours à la faculté des sciences de l'Université de Lausanne. Quelques mois après le début de cette rentrée universitaire, je souffris de l'arrêt de la prise des médicaments qui m'avaient été prescrits à Nant.

Suite à cet état de manque, je me retrouvais à nouveau suivie par un psychiatre, mais cette fois dans un cabinet privé et non plus en clinique psychiatrique.

Ce psychiatre, un américain, me prescrit de l'Effexor à la place des neuroleptiques que je devais prendre depuis mon passage en unité psychiatrique ambulatoire.

Ce psychiatre voulait également me déclarer invalide à 100%. Je ne savais pas si c'était à cause du coût des traitements ou tout simplement parce qu'il considérait réellement que j'étais malade qu'il voulait prendre de telles mesures.

Quoiqu'il en soit, au printemps 1996, année de mes 20 ans, je devenais rentière AI à 100%.

Au mois de juin de cette année-là, allaient avoir lieu les examens clôturant ma première année de cours en biologie à l'Université.

Tout au long de l'année, j'avais assisté avec assiduité aux cours et aux travaux pratiques. Ma camarade de TP et moi, n'avions obtenus que des A à nos rapports de travaux pratiques. Il faut dire qu'un de mes amis qui m'avait déjà aidée à rattraper mon retard en dernière année de gymnase, m'aidait à bien comprendre le contenu du TP avant que l'on doive le réaliser ma "binôme" et moi. Cet ami ne suivait pas des cours à l'Université, mais avait entrepris un cursus en section mécanique à l'EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne).

Ainsi nous nous voyions lui et moi pendant les pauses de midi ou après les cours et il m'aidait à préparer la partie théorique des travaux pratiques. Parfois, il m'aidait aussi en mathématique ou en physique. Grâce à ce soutien très précieux, j'arrivais à intégrer le contenu des cours rapidement et ce malgré mes lacunes.

En fait, j'avais accumulé du retard en mathématiques, en physique et en chimie au cours de mes années d'études dans le secondaire.

En effet, depuis la 6ème année scolaire, je n'avais plus accordé beaucoup de temps à l'école, j'avais préféré passer du temps avec une bande de copines. Nous étions cinq filles, toutes dans la même classe. On s'entendait merveilleusement bien et on avait décidé que l'école s'était une perte de temps.

J'avais passé des moments géniaux en compagnie de ces filles, car elles m'acceptaient comme j'étais c'est-à-dire non-fumeuse, non-buveuse et qui ne se droguait pas. Elles, elles buvaient, fumaient et se droguaient, mais elles ne m'obligeaient pas à le faire.

Ensemble, nous faisions les quatre cents coups et notre amitié grandissait à chaque bêtise.

Nous passions tellement de temps entre nous, que nos notes n'ont fait que baisser depuis la 6ème année scolaire. Ainsi, en 9ème année, deux d'entre nous se retrouvèrent en échec scolaire et les trois autres eurent juste la moyenne. J'étais une des deux filles en échec et je redoublais donc en compagnie d'une amie. Parmi les trois autres, deux décidèrent de faire un apprentissage et la dernière poursuivit ses études en allant au gymnase.

Le fait de redoublé m'ennuyait, mais je décidais que c'était l'occasion de rattraper le retard que j'avais accumulé depuis plus de trois ans. J'arrêtais donc les sorties avec ces quatre amies et je me mis à étudier pendant tous mes temps libres.

Ce fut également dans cet état d'esprit que je commençais le gymnase l'année suivante après avoir réussi ma neuvième et dernière année scolaire obligatoire.

J'arrivais donc à l'Université avec encore quelques lacunes, mais qui étaient insignifiantes. Je les comblais facilement grâce à l'aide de cet ami qui m'épaulait depuis l'année précédente (année du bac).

J'avais fourni beaucoup d'efforts depuis quelques années pour rattraper le retard accumulé dans le secondaire et ça avait enfin payé: j'étais tout à fait à niveau et mes camarades de cours en biologie venaient souvent me demander de l'aide quand ils ne comprenaient pas quelque chose.

La seule chose qui me freinait dans mes études, c'était le traitement médicamenteux que je devais prendre et les séances de psychothérapie avec le psychiatre américain.

Une grande partie de mon énergie passait dans mon combat contre ces traitements psychiatriques.

Je menais en fait deux vies en parallèle. Une vie d'étudiante à l'Université et une vie de malade mentale invalide qui devait suivre un traitement psychiatrique. J'essayais de bien cloisonner les deux afin que la psychiatrie ne vienne pas gâcher ma vie estudiantine.

Mais c'était difficile, car dans ces deux mondes diamétralement opposés, les gens avaient une image de moi bien différente. Ainsi, à l'Université, j'étais une étudiante comme toutes les autres, qui assistait avec assiduité aux cours et qui était toujours prête à donner un coup de main. Alors que dans l'univers psychiatrique, j'étais considérée comme une malade mentale qui ne voulait pas voir à quel point elle était atteinte.

C'était très dur d'être considérée comme une moins que rien par le psychiatre qui me suivait. Après chaque entretien, je me sentais incomprise et rabaissée et je me mettais à douter de plus en plus de ma santé mentale.

A chaque rendez-vous, je doutais de plus en plus de mes capacités, ce qui fit que lorsque les examens arrivèrent, je n'avais plus aucune confiance en moi.

Le premier examen, examen de chimie organique, finit d'achever mon capital confiance. Moi qui connaissais par coeur le support de cours de cette branche, je me retrouvais devant des questions qui n'avaient rien à voir avec le contenu du cours.

Mes camarades m'avaient dit quelques semaines avant le début des examens, que pour l'examen de chimie organique, il fallait apprendre par coeur les réponses des épreuves des cinq années précédentes. Je m'étais donc procuré ces fameuses épreuves, mais comme leur contenu n'avait rien à voir avec ce que nous avions vu pendant les cours, je me dis qu'ils s'étaient certainement trompés et que l'examen porterait sur le livre que le professeur nous avait indiqué comme support de cours.

J'avais donc appris quasiment par coeur le contenu de ce livre et aucunes des questions de cet examen de chimie organique ne portait sur ce que j'avais révisé.

Le décalage entre ce que le professeur avait enseigné au cours et ce qu'il demandait à l'examen me fit perdre pied.

Je me présentais aux autres examens en étant complètement déboussolée et j'échouais mon année.

Au début de cet été 1996, tout un pan de ma vie venait de s'écrouler.

Tout ce que je voyais alors, c'était que j'étais incapable de réussir quoi que ce soit. J'avais échoué à l'école (échec en 9ème année), au gymnase (anxiété qui m'avait conduite en psychiatrie) et maintenant à l'Université. Je commençais à me dire que peut-être le psychiatre avait raison, que je ne serai jamais normale et que c'était lui qui avait vu juste en me déclarant invalide à 100%.

Peut-être fallait-il que j'accepte que je ne serai jamais comme les autres et que cela venait d'une maladie mentale comme me le disaient les psychiatres depuis deux ans?

 

à suivre...

25/08/2010

10. Suivi psychiatrique dans le privé

Automne 1995

J'étais en première année de Biologie à l'Université de Lausanne.

Je m'étais retrouvée en état de manque à cause de l'arrêt de la prise de neuroleptiques qui m'avaient été prescrits lors de mon passage à la clinique psychiatrique de Nant et ma mère, sur les ordres du psychiatre de cet établissement m'avait envoyée suivre un traitement chez un praticien privé.

Ce dernier, un psychiatre américain venu s'installer en Suisse, me fit changer de traitement médicamenteux: il me mit sous Effexor 37.5

Comme ce produit pharmaceutique n'avait pas encore reçu une autorisation pour être vendu en Suisse, il en avait tout un stock dans une armoire de son cabinet privé. C'est ainsi qu'à chaque consultation avec lui, je recevais une boîte de cet antidépresseur encore non-autorisé dans le pays.

Ce psychiatre ne me voyait que très rarement, car il laissait la psychologue canadienne qu'il avait engagée s'occuper de mon suivi psychothérapeutique. Lui ne me voyait qu'une fois tous les mois pour me donner une boîte d'antidépresseurs.

Mes entretiens hebdomadaires avec cette psychologue canadienne furent agréables. C'était une personne très humaine qui savait écouter. Elle s'était spécialisée dans la thérapie cognitivo-comportementale.

Comme je la trouvais très compréhensive et très compétente, je lui demandais assez rapidement si elle pensait que je souffrais d'une grave maladie mentale. Elle me répondit que non, que je souffrais d'anxiété et que l'anxiété n'était pas une maladie mentale, mais un état généré par des peurs et des inquiétudes et qu'il suffisait de savoir maîtriser ces peurs pour pouvoir faire disparaître l'anxiété.

Elle m'expliqua également que les pensées pouvaient être très anxiogènes et qu'il fallait faire attention à ne pas voir que le côté négatif des choses. Que mon perfectionnisme pouvait aussi devenir une source d'angoisse si je n'y prenais pas garde. Et qu'il fallait essayer de diminuer mon niveau de stress afin que je puisse retrouver une vie plus sereine.

J'écoutais attentivement ce qu'elle m'expliquait et j'appliquais à la lettre les techniques qu'elle me proposait pour vaincre mes angoisses.

Grâce à cette psychologue canadienne, je repris un peu confiance en moi et mon amour-propre commençait lui aussi à se reconstruire.

Mais un jour, elle m'annonça qu'elle ne pourrait plus me suivre, car elle avait décidé de repartir au Canada. Je lui demandais si elle avait le mal du pays et si c'était pour cette raison qu'elle quittait la Suisse.

A ma grande surprise, elle me répondit qu'elle ne supportait plus la façon dont son patron traitait les patients et encore moins la façon de fonctionner de la psychiatrie en Suisse.

Je fus très étonnée qu'elle osa me dire le motif réel de son départ et je lui demandais pourquoi elle l'avait fait. Elle me dit que de toute manière comme c'était son dernier jour au cabinet et qu'elle partait dans quelques jours, elle pouvait bien dire la véritable raison de son départ à ses patients.

Son départ m'attrista, car j'avais trouvé en cette thérapeute une personne humaine, compréhensive et à l'écoute et je n'étais pas du tout certaine que je retrouverai ces qualités auprès de son patron, le fameux psychiatre américain qui gardait des centaines de boîtes d'antidépresseurs dans une armoire dans son cabinet.

Et cela ne tarda pas à se confirmer lorsque je découvris que cet homme ne s'intéressait qu'à l'argent.

En effet, il facturait les entretiens de ses patients avec la psychologue comme si c'était lui qui les recevait en consultation. Les caisses maladie payaient ainsi ce psychiatre pour des consultations qu'ils n'avaient jamais faites. Et pour que la psychologue soit payée pour ses entretiens, il demandait à ses patients de lui apporter 70.- francs suisse à chaque séance (prix de sa consultation). Cela s'appelle de la double facturation.

Ainsi, dès que cela devint trop onéreux pour ma mère de payer les 10% de chaque consultation facturé à l'assurance maladie, plus les 70.- francs hebdomadaires apportés à la psychologue, ce psychiatre lui suggéra une solution financière. Il lui proposa de me déclarer invalide pour que je puisse toucher une rente auprès de l'Assurance Invalidité et ainsi payer mon traitement et mes consultations psychiatriques.

Par conséquent, à 19 ans, j'allais peut-être être déclarée invalide à cause d'un psychiatre cupide...

à suivre...

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Information

La venlafaxine a été commercialisée en 1997 en Suisse sous le nom d’Efexor®

Lien: http://revue.medhyg.ch/infos/print.php3?sid=549

 

 

9 Entrée à l'Université

Automne 1995, j'avais 19 ans.

J'avais commencé à suivre des cours à l'Université de Lausanne. Les cours dispensés en Biologie me plaisaient beaucoup. J'eus également la chance de retrouver plusieurs de mes amis qui avaient aussi choisi cette branche et nous pûmes ainsi former un petit groupe pour étudier ensemble.

Pendant l'été, j'avais appris que les psychiatres de Nant avaient dit à ma mère que selon eux, je souffrais d'une grave maladie mentale et qu'il été de son devoir de me faire suivre par un psychiatre compétent.

Au début du mois d'octobre, je m'étais retrouvée en rupture de médicaments et j'avais décidé de ne pas en reprendre. Malheureusement, j'avais développé une dépendance physique à ces substances et je souffris de manque dès les premiers jours passés sans en prendre. Je tentais malgré tout de tenir quelques jours de plus, mais les douleurs étaient telles que je dû admettre que je n'arriverais pas à les supporter très longtemps.

A ce moment-là, je ne savais pas que l'on pouvait développer une dépendance physique aux médicaments psychiatriques. Je pensais naïvement que la seule forme de dépendance qu'il pouvait exister à ce genre de produits était une dépendance psychologique. Et j'étais certaine qu'une telle forme de dépendance ne pouvait pas m'arriver, puisque j'avais toujours été opposée à la prise de ce traitement médicamenteux et que je n'en retirais aucune forme de bien-être.

Bien au contraire, ces substances occasionnaient, chez moi, une grande gêne au quotidien. Ainsi, j'avais très rapidement remarqué qu'elles me ralentissaient dans mes activités physique, psychique et intellectuelle et créaient d'importantes douleurs physiques.

Par conséquent, lorsque l'effet de manque se manifesta à la suite de l'arrêt de la prise de ces neuroleptiques, je ne sus pas pourquoi je me sentais si mal. Au début, j'ai pensé que j'avais attrapé la grippe à cause des douleurs musculaires, des problèmes intestinaux et des maux de tête. Mais je me rendis vite compte que cela ne pouvait pas être la grippe.

C'est ainsi que ne sachant pas exactement ce qu'il m'arrivait, je crus ma mère lorsqu'elle m'affirma que cela devait être une expression de la maladie pour laquelle les psychiatres de Nant m'avaient "traitée". J'étais tellement mal que je me serais appuyée sur n'importe quelle explication, pourvu qu'on trouve un moyen de soulager mes douleurs.

Il faut savoir que l'état de manque généré par l'arrêt de la plupart des médicaments psychiatriques est comparable à celui que ressente les héroïnomanes.

C'est dans ces circonstances que ma mère appela la clinique psychiatrique de Nant où j'avais été suivie l'année précédente. L'accueil qu'elle reçu fut très dur et elle sembla brisée après avoir reposé le combiné du téléphone.

Le psychiatre en charge de mon traitement à Nant me délivra une ordonnance pour un nouvelle boîte de neuroleptiques. Il sermonna également ma mère quant au fait qu'elle ne m'avait pas obligée à continuer mon traitement médicamenteux et qu'elle ne m'avait pas faite suivre par un psychiatre après la fin de mon traitement ambulatoire dans leur établissement.

Ma mère sembla tellement secouée par le coup de fil qu'elle eut avec ce psychiatre, que je compris à quel point il lui faisait peur à elle aussi.

Apeurée par les propos de cet homme, elle se mit immédiatement à la recherche d'un psychiatre pour assurer mon suivi.

Elle trouva un homme parmi ses clients (elle était secrétaire dans une agence immobilière) et le supplia de me prendre comme patiente. Il accepta de me recevoir quelques jours plus tard.

C'était un psychiatre américain qui était venu pratiquer en Suisse. Il avait également engagé une psychologue canadienne pour le suivi psychothérapeutique de ses patients.

Lors du premier entretien, il me dit que comme sa psychologue n'était pas bien rémunérée, je devais amener 70.- francs suisse à chaque séance avec elle et les lui donner de main à main. Pour ses consultations à lui, il n'y avait pour le moment pas besoin d'amener de l'argent en liquide, car c'était l'assurance maladie qui allait payer.

Il me dit ensuite que je devais changer de médication, que les médicaments que les psychiatres de Nant m'avaient prescrits étaient vieux et dépassés et qu'il existait maintenant une nouvelle génération d'antidépresseurs développés aux Etats-unis qui allaient m'aider. Il ajouta que comme ces médicaments n'avaient pas encore reçu l'autorisation de mise en vente en Suisse, il me les fournirait lui-même.

Il alla donc ouvrir une armoire qui contenait des centaines de boîtes de cet antidépresseur et m'en tendit une. C'était de l'Effexor 37.5

à suivre...