25/08/2010

10. Suivi psychiatrique dans le privé

Automne 1995

J'étais en première année de Biologie à l'Université de Lausanne.

Je m'étais retrouvée en état de manque à cause de l'arrêt de la prise de neuroleptiques qui m'avaient été prescrits lors de mon passage à la clinique psychiatrique de Nant et ma mère, sur les ordres du psychiatre de cet établissement m'avait envoyée suivre un traitement chez un praticien privé.

Ce dernier, un psychiatre américain venu s'installer en Suisse, me fit changer de traitement médicamenteux: il me mit sous Effexor 37.5

Comme ce produit pharmaceutique n'avait pas encore reçu une autorisation pour être vendu en Suisse, il en avait tout un stock dans une armoire de son cabinet privé. C'est ainsi qu'à chaque consultation avec lui, je recevais une boîte de cet antidépresseur encore non-autorisé dans le pays.

Ce psychiatre ne me voyait que très rarement, car il laissait la psychologue canadienne qu'il avait engagée s'occuper de mon suivi psychothérapeutique. Lui ne me voyait qu'une fois tous les mois pour me donner une boîte d'antidépresseurs.

Mes entretiens hebdomadaires avec cette psychologue canadienne furent agréables. C'était une personne très humaine qui savait écouter. Elle s'était spécialisée dans la thérapie cognitivo-comportementale.

Comme je la trouvais très compréhensive et très compétente, je lui demandais assez rapidement si elle pensait que je souffrais d'une grave maladie mentale. Elle me répondit que non, que je souffrais d'anxiété et que l'anxiété n'était pas une maladie mentale, mais un état généré par des peurs et des inquiétudes et qu'il suffisait de savoir maîtriser ces peurs pour pouvoir faire disparaître l'anxiété.

Elle m'expliqua également que les pensées pouvaient être très anxiogènes et qu'il fallait faire attention à ne pas voir que le côté négatif des choses. Que mon perfectionnisme pouvait aussi devenir une source d'angoisse si je n'y prenais pas garde. Et qu'il fallait essayer de diminuer mon niveau de stress afin que je puisse retrouver une vie plus sereine.

J'écoutais attentivement ce qu'elle m'expliquait et j'appliquais à la lettre les techniques qu'elle me proposait pour vaincre mes angoisses.

Grâce à cette psychologue canadienne, je repris un peu confiance en moi et mon amour-propre commençait lui aussi à se reconstruire.

Mais un jour, elle m'annonça qu'elle ne pourrait plus me suivre, car elle avait décidé de repartir au Canada. Je lui demandais si elle avait le mal du pays et si c'était pour cette raison qu'elle quittait la Suisse.

A ma grande surprise, elle me répondit qu'elle ne supportait plus la façon dont son patron traitait les patients et encore moins la façon de fonctionner de la psychiatrie en Suisse.

Je fus très étonnée qu'elle osa me dire le motif réel de son départ et je lui demandais pourquoi elle l'avait fait. Elle me dit que de toute manière comme c'était son dernier jour au cabinet et qu'elle partait dans quelques jours, elle pouvait bien dire la véritable raison de son départ à ses patients.

Son départ m'attrista, car j'avais trouvé en cette thérapeute une personne humaine, compréhensive et à l'écoute et je n'étais pas du tout certaine que je retrouverai ces qualités auprès de son patron, le fameux psychiatre américain qui gardait des centaines de boîtes d'antidépresseurs dans une armoire dans son cabinet.

Et cela ne tarda pas à se confirmer lorsque je découvris que cet homme ne s'intéressait qu'à l'argent.

En effet, il facturait les entretiens de ses patients avec la psychologue comme si c'était lui qui les recevait en consultation. Les caisses maladie payaient ainsi ce psychiatre pour des consultations qu'ils n'avaient jamais faites. Et pour que la psychologue soit payée pour ses entretiens, il demandait à ses patients de lui apporter 70.- francs suisse à chaque séance (prix de sa consultation). Cela s'appelle de la double facturation.

Ainsi, dès que cela devint trop onéreux pour ma mère de payer les 10% de chaque consultation facturé à l'assurance maladie, plus les 70.- francs hebdomadaires apportés à la psychologue, ce psychiatre lui suggéra une solution financière. Il lui proposa de me déclarer invalide pour que je puisse toucher une rente auprès de l'Assurance Invalidité et ainsi payer mon traitement et mes consultations psychiatriques.

Par conséquent, à 19 ans, j'allais peut-être être déclarée invalide à cause d'un psychiatre cupide...

à suivre...

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Information

La venlafaxine a été commercialisée en 1997 en Suisse sous le nom d’Efexor®

Lien: http://revue.medhyg.ch/infos/print.php3?sid=549

 

 

9 Entrée à l'Université

Automne 1995, j'avais 19 ans.

J'avais commencé à suivre des cours à l'Université de Lausanne. Les cours dispensés en Biologie me plaisaient beaucoup. J'eus également la chance de retrouver plusieurs de mes amis qui avaient aussi choisi cette branche et nous pûmes ainsi former un petit groupe pour étudier ensemble.

Pendant l'été, j'avais appris que les psychiatres de Nant avaient dit à ma mère que selon eux, je souffrais d'une grave maladie mentale et qu'il été de son devoir de me faire suivre par un psychiatre compétent.

Au début du mois d'octobre, je m'étais retrouvée en rupture de médicaments et j'avais décidé de ne pas en reprendre. Malheureusement, j'avais développé une dépendance physique à ces substances et je souffris de manque dès les premiers jours passés sans en prendre. Je tentais malgré tout de tenir quelques jours de plus, mais les douleurs étaient telles que je dû admettre que je n'arriverais pas à les supporter très longtemps.

A ce moment-là, je ne savais pas que l'on pouvait développer une dépendance physique aux médicaments psychiatriques. Je pensais naïvement que la seule forme de dépendance qu'il pouvait exister à ce genre de produits était une dépendance psychologique. Et j'étais certaine qu'une telle forme de dépendance ne pouvait pas m'arriver, puisque j'avais toujours été opposée à la prise de ce traitement médicamenteux et que je n'en retirais aucune forme de bien-être.

Bien au contraire, ces substances occasionnaient, chez moi, une grande gêne au quotidien. Ainsi, j'avais très rapidement remarqué qu'elles me ralentissaient dans mes activités physique, psychique et intellectuelle et créaient d'importantes douleurs physiques.

Par conséquent, lorsque l'effet de manque se manifesta à la suite de l'arrêt de la prise de ces neuroleptiques, je ne sus pas pourquoi je me sentais si mal. Au début, j'ai pensé que j'avais attrapé la grippe à cause des douleurs musculaires, des problèmes intestinaux et des maux de tête. Mais je me rendis vite compte que cela ne pouvait pas être la grippe.

C'est ainsi que ne sachant pas exactement ce qu'il m'arrivait, je crus ma mère lorsqu'elle m'affirma que cela devait être une expression de la maladie pour laquelle les psychiatres de Nant m'avaient "traitée". J'étais tellement mal que je me serais appuyée sur n'importe quelle explication, pourvu qu'on trouve un moyen de soulager mes douleurs.

Il faut savoir que l'état de manque généré par l'arrêt de la plupart des médicaments psychiatriques est comparable à celui que ressente les héroïnomanes.

C'est dans ces circonstances que ma mère appela la clinique psychiatrique de Nant où j'avais été suivie l'année précédente. L'accueil qu'elle reçu fut très dur et elle sembla brisée après avoir reposé le combiné du téléphone.

Le psychiatre en charge de mon traitement à Nant me délivra une ordonnance pour un nouvelle boîte de neuroleptiques. Il sermonna également ma mère quant au fait qu'elle ne m'avait pas obligée à continuer mon traitement médicamenteux et qu'elle ne m'avait pas faite suivre par un psychiatre après la fin de mon traitement ambulatoire dans leur établissement.

Ma mère sembla tellement secouée par le coup de fil qu'elle eut avec ce psychiatre, que je compris à quel point il lui faisait peur à elle aussi.

Apeurée par les propos de cet homme, elle se mit immédiatement à la recherche d'un psychiatre pour assurer mon suivi.

Elle trouva un homme parmi ses clients (elle était secrétaire dans une agence immobilière) et le supplia de me prendre comme patiente. Il accepta de me recevoir quelques jours plus tard.

C'était un psychiatre américain qui était venu pratiquer en Suisse. Il avait également engagé une psychologue canadienne pour le suivi psychothérapeutique de ses patients.

Lors du premier entretien, il me dit que comme sa psychologue n'était pas bien rémunérée, je devais amener 70.- francs suisse à chaque séance avec elle et les lui donner de main à main. Pour ses consultations à lui, il n'y avait pour le moment pas besoin d'amener de l'argent en liquide, car c'était l'assurance maladie qui allait payer.

Il me dit ensuite que je devais changer de médication, que les médicaments que les psychiatres de Nant m'avaient prescrits étaient vieux et dépassés et qu'il existait maintenant une nouvelle génération d'antidépresseurs développés aux Etats-unis qui allaient m'aider. Il ajouta que comme ces médicaments n'avaient pas encore reçu l'autorisation de mise en vente en Suisse, il me les fournirait lui-même.

Il alla donc ouvrir une armoire qui contenait des centaines de boîtes de cet antidépresseur et m'en tendit une. C'était de l'Effexor 37.5

à suivre...