06/10/2010

16. Coup de grâce

Année 2005

Depuis trois ans, ma vie s'était comme arrêtée. Je n'avais plus de force et je commençais à baisser les bras face à cette psychiatrie qui m'avait assujettie à ses traitements médicamenteux.

En cette année 2005, j'allais fêter mes 29 ans et mes 11 ans de psychiatrie.

Ma vie n'avait plus de sens. Je ne comprenais plus rien de ce qui m'arrivait, tout m'échappait.

Je vivais sans vivre.

C'est au printemps de cette année que j'appris que mon père souffrait d'un cancer.

Malheureusement, lorsque sa maladie fut détectée, il était déjà trop tard pour le soigner. Ainsi, quelques mois plus tard, l'état de mon père se dégrada très vite et il dut être hospitalisé en soins palliatifs.

Ce fut un coup très dur pour moi.

Comme cela faisait déjà plusieurs années que je n'arrivais plus à supporter les douleurs dues aux effets secondaires et au manque générés par ma dépendance aux médicaments psychiatriques, je ne fis plus d'efforts pour contrôler ma prise en cette période très difficile.

Ainsi dès que le manque se faisait sentir, je prenais un comprimé.

Je n'avais pas la force de supporter l'agonie de mon père et les souffrances dues au manque.

Durant les quelques mois que passa mon père dans le service de soins palliatifs de Rive-Neuve, je ne portais aucune attention au nombre de comprimés que je prenais. Tout ce qui m'importait, c'était de me sentir bien pour pouvoir accompagner mon père dans cette lente agonie.

Je voulais être forte pour pouvoir l'aider et le soutenir, donc je ne voulais pas être gênée par mes problèmes de manque.

Je passais ainsi plusieurs mois au chevet de mon père.

Dès que je rentrais chez moi, je prenais un Tranxilium pour me calmer. J'en prenais un deuxième avant d'aller dormir. Le lendemain, j'en reprenais un en me levant pour pouvoir affronter le journée et finalement, j'en prenais un dernier à midi pour pouvoir aller voir mon père dans l'après-midi.

Cette routine dura jusqu'au 14 novembre 2005, date à laquelle mon père décéda.

A la fin de cette année 2005, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je venais de perdre mon père et maintenant, je devais affronter les problèmes liés à la succession.

Tout cela était très dur à supporter. Les bagarres entre les héritiers, les passages devant le tribunal des successions, etc...

A nouveau, je n'eus pas la force d'ajouter à tout cela, les souffrances dues au manque.

Donc, à nouveau, je ne fis aucunement attention au nombre de comprimés que je prenais. Dès que le manque se faisait sentir, j'avalais un Tranxilium.

Ainsi au printemps de l'année 2006, je prenais cinq comprimés par jour.

La tolérance que j'avais développée à cette substance augmentait de façon exponentielle.

A la fin de l'année 2006, je prenais jusqu'à six Tranxilium par jour.

Je n'arrivais plus à me concentrer, je perdais progressivement ma mémoire à court terme et je commençais également à tenir des discours incohérents.

Je passais mes journées au lit. Je dormais jusqu'à vingt heures par jour. Les effets secondaires s'étaient amplifiés à un tel point que je souffrais en continu.

Les douleurs psychiques étaient telles que je me coupais les avants-bras pour les apaiser. Le fait de souffrir physiquement calmait momentanément les souffrances psychologiques.

Cette période de ma vie fut sans doute la plus pénible. Je me voyais sombrer encore plus dans la dépendance sans pouvoir trouver la force d'en sortir.

Je ne voulais pas mourir comme cela. Je ne voulais pas que la psychiatrie ait raison de moi.

Mais comment m'en sortir? Comment faire pour arrêter de prendre ces satanés médicaments puisque aucun médecin ne voulait m'aider à entamer une procédure de sevrage? Comment trouver la force de lutter seule face à cette dépendance tenace?

J'étais plus bas que jamais aussi bien physiquement que psychologiquement. Je ne savais pas comment allait se présenter l'avenir, ni même s'il y allait avoir un avenir pour moi.

Comment se projeter dans le futur, quand la seule chose qui importe est de savoir quand on pourra enfin prendre sa prochaine dose pour calmer la morsure du manque?

Comment s'imaginer vivre autrement quand cela fait plus d'une dizaine d'années que tout tourne autour de ces satanées substances?

Comment s'affranchir d'elles alors que tout est fait pour que l'on reste accro?

A la fin de cette année 2006, je ne nourrissais plus aucun espoir de liberté et je me laissais dériver au bon gré de cette omniprésente psychiatrie....

 

... à suivre

 

 

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Commentaires

Ce témoignage montre que nous devons vraiment aujourd'hui tourner la page de la psychiatrie de contention. La camisole chimique est un outil de contention, mais n'a jamais guéri personne. L'argent que reçoit la psychiatrie peut être mieux utilisé, et avec les mêmes montants, nous pourrions aider réellement les personnes qui en ont besoin, plutôt que de les enfermer dans l'enfer de la dépendance et du mal-être. Bien sûr, les soins, plus doux et plus rationnels, porteraient atteinte au chiffre d'affaire d'une industrie pharmaceutique toujours plus avide qui oeuvre de concert avec une certaine psychiatrie peu recommandable. Il s'agit de notre santé, et celle-ci prévaut. Notre société, y compris notre économie se porteront mieux si notre approche des problèmes de santé et de bien-être mental reste éthique.

Écrit par : Marie | 08/10/2010

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