19/10/2010

18. Joyeux Noël

Hiver 2006 - 2007

A la fin de l'année 2006, je prenais jusqu'à 6 comprimés de Tranxilium par jour.

J'étais de plus en plus seule face à ma dépendance aux médicaments psychiatriques.

J'avais tenté au début de cette année de chercher de l'aide auprès d'une psychiatre spécialiste des personnes dites Borderlines, mais cette personne n'avait pas voulu m'aider bien que m'ayant cataloguée Borderline.

Je ne savais plus où trouver de l'aide. Je me tournais à nouveau vers ma médecin généraliste qui me dit que maintenant qu'on m'avait diagnostiquée comme personne Borderline, elle me conseillait d'aller voir un nouveau psychiatre qui avait ouvert un cabinet dans le même immeuble qu'elle.

Je pris mon courage à deux mains et je contactais ce psychiatre. Le contact fût très froid et il me dit qu'il ne pouvait pas me recevoir. Il me donna tout de même le numéro de téléphone de l'un de ses collègues qui était soi-disant aussi bon que lui.

Je téléphonais donc à son collègue psychiatre qui me dit qu'il n'avait pas non plus de place, mais qu'il allait me faire une fleur et me recevoir. Le rendez-vous était pris.

Lors des trois premiers rendez-vous, ce psychiatre me fit signer un tas de papiers: Un premier qui le déchargeait si je me suicidais, un second qui stipulait que je m'engageais à payer toutes les séances, un troisième qui l'autorisait à filmer les scéances et un dernier qui l'autorisait à montrer les vidéos des scéances à ses collègues et à en discuter avec eux.

Je n'avais jamais dû signer de papier auparavant et cela me sembla très bizarre, mais j'étais tellement mal que je signais tous ces papiers, car je savais que c'était le seul moyen d'être suivi par ce psychiatre. Depuis le temps que je fréquentais le milieu psychiatrique, j'avais bien compris que chaque psychiatre avait un protocole à suivre et qu'il n'en démordait pas quoiqu'il arrive.

Puis vint le moment de changer de traitement médicamenteux.

Il me fit passer de 6 comprimés de Tranxilium par jour à 1 comprimé d'un autre médicament psychiatrique.

Je commençais ce traitement quelques jours avant Noël. Ce fût terrible...

Je pris ce comprimé et deux heures plus tard tous mes muscles étaient contractés au maximum, je faisais une crise de tétanie et l'ensemble des muscles de mon corps étaient touchés. J'avais beaucoup de peine à respirer, non pas à cause de l'angoisse, mais parce qu'il m'était devenu pratiquement impossible d'ouvrir les muscles de ma cage thoracique pour inspirer et laisser l'air entrer dans mes poumons.

Je tentais de joindre le psychiatre qui m'avait prescrit ces médicaments, mais il était en vacances.

Je téléphonais ensuite au cabinet de ma généraliste, mais elle aussi était absente.

N'arrivant à joindre aucuns des médecins qui me suivaient, j'attendis dans l'angoisse que l'effet du médicament se dissipe (plus de douze heures après) et je repris du Tranxilium.

Cette fois était la fois de trop pour moi. Je n'avais plus la force de supporter la torture que ces traitements psychiatriques me faisaient endurer.

Je n'avais plus du tout confiance en ces médecins qui n'avaient jamais rien fait pour m'aider, qui n'avaient fait que me rendre de plus en plus malade et dépendante.

Je savais que je ne trouverais jamais d'aide auprès de ces gens.

Je voulais m'affranchir de la psychiatrie, de cette psychiatrie qui m'avait voler ma liberté en me rendant dépendante à ces traitements médicamenteux.

Le seul moyen de ne plus devoir faire appel à des psychiatres était de me sevrer de ces médicaments, car la seule chose qui me liait à ce milieu était cette consommation de psychotropes.

Sachant que j'avais demandé à presque tous les psychiatres que j'avais rencontrés de m'aider à arrêter de prendre ces substances et qu'aucun n'avait jamais abondé dans ce sens, je savais que je devais demander de l'aide ailleurs.

Je me tournais donc vers ma généraliste.

Malheureusement, elle n'eut pas le courage de s'opposer à l'avis de ces collègues. Elle me dit qu'elle ne pouvait pas m'aider à me sevrer, car ça allait contre l'avis des spécialistes. Ainsi même à distance, les psychiatres me mettaient des bâtons dans les roues.

Je lui dis que j'allais me sevrer avec ou sans son aide.

Nous étions au mois de septembre 2007 et j'étais bien décidée à mettre un terme à ma consommation de médicaments psychiatriques, même si je devais le faire seule.

Ma vie n'avait plus de sens depuis 13 ans, depuis que les psychiatres de Nant m'avaient injecté de force ces substances qui maintenant me privaient de liberté et engageaient sérieusement pour pronostic vital.

Je n'avais plus de sensations normales depuis que je prenais ces produits et chaque année les effets négatifs s'amplifiaient.

Ma vie ne se résumait plus qu'à prendre ma dose pour ne pas souffrir de manque et ça, ça n'avait rien d'une existence heureuse et épanouie.

Je me dis qu'il valait mieux mourir en tentant de me sevrer que de vivre encore des années comme cela, en me consumant à petit feu.

En ce début d'automne de l'année 2007, ma décision était prise: Quoi qu'il allait m'en coûter, j'allais me débarrasser de ces substances et de la psychiatrie...

Même si je devais mourir en me sevrant, au moins j'aurais tenté d'échapper à la psychiatrie jusqu'à mon dernier souffle.

 

... à suivre

 

 

 

 

 

14/10/2010

17. Réactions paradoxales

Année 2006

En cette année 2006, je venais de fêter mes 30 ans.

Cela faisait douze ans que je prenais des neuroleptiques, des antidépresseurs et/ou des anxiolytiques suite à l'hospitalisation ambulatoire en unité psychiatrique que j'avais subie au cours de ma dernière année de gymnase à l'âge de 18 ans.

J'avais bien tenté d'arrêter de prendre ces médicaments psychiatriques à plusieurs reprises, mais je n'y étais jamais parvenue à cause de la dépendance que j'avais développée à ces produits.

A cette dépendance qui durait depuis plus de 11 ans était venue s'ajouter la tolérance au médicament. Ainsi, il me fallait augmenter les doses pour obtenir le résultat des premières prises et calmer les symptômes de manque.

Au début, lorsque la tolérance à un médicament apparaissait, les psychiatres m'en prescrivaient un autre. J'étais ainsi passée d'un médicament psychiatrique à un (ou plusieurs) autre(s) pendant dix ans.

Mais depuis une année, je n'avais plus eu la force d'aller voir un psychiatre. Je n'en pouvais plus de chaque fois faire face à des personnes qui n'en avaient rien à faire de ma souffrance et de ma dépendance à leurs produits.

A chaque fois que j'allais voir un nouveau psychiatre, je nourrissais le fol espoir que ce dernier serait celui qui m'aiderait à arrêter de prendre ces produits. Malheureusement, la seule chose qu'il me proposait, était de changer de médicament et non de l'arrêter.

N'ayant plus changé de médicament depuis plus d'une année, la tolérance que j'avais développée à ce dernier m'avait conduite à en prendre de plus en plus pour éviter de souffrir de l'effet de manque.

A la fin de l'année 2006, je prenais jusqu'à 6 comprimés de Tranxilium par jour. Je me les faisais prescrire par ma généraliste.

Bien évidemment, j'allais de plus en plus mal.

Je commençais à prendre beaucoup de poids, je perdais la mémoire de façon catastrophique, mon raisonnement et ma logique n'étaient plus que de vagues souvenirs.

Je tenais des discours de plus en plus incohérents et mon sommeil n'était plus du tout réparateur même si je passais plus de seize heures par jour à dormir. Une fatigue chronique s'était installée depuis plusieurs années et je n'arrivais pas à en venir à bout

Tous ces effets secondaires n'avaient fait que s'amplifier depuis dix ans et je commençais même à souffrir d'effets paradoxaux très lourds.

Je souffrais d'une anxiété généralisée, d'agoraphobie, de nervosité, d'agitation, d'excitation, d'irritabilité, d'agressivité et de rage irrationnelle.

Cette rage fit peur à mes proches et la plupart coupèrent les ponts d'avec moi.

Comme je supportais de moins en moins bien de me retrouver seule, je décidais d'en parler avec ma généraliste.

J'avais fait quelques recherches sur Internet et j'avais associés mes réactions paradoxales à une nouvelle maladie psychiatrique: L'état limite ou pathologie Borderline.

Mes émotions étaient tellement exacerbées par la prise de Tranxilium que mon état ressemblait tout à fait à la description des personnes Borderlines.

Ma généraliste me donna une adresse à Prangins où une psychiatre spécialiste des Borderlines me reçu.

Bien évidemment, elle confirma que mon exacerbation émotionnelle était le signe clinique de la pathologie Borderline.

Je lui demandais de m'aider à me soigner, mais elle me répondit que comme je n'avais pas fait de tentative de suicide, elle ne pouvait pas me prendre en charge. Le réglement de l'établissement était très clair à ce sujet, seules les personnes ayant commis une ou plusieurs tentatives de suicide pouvaient être admises dans cet établissement.

Je me retrouvais une fois de plus sans aide face à mes problèmes de dépendance et de tolérance aux médicaments psychiatriques, ainsi que face aux nombreux effets secondaires et paradoxaux que ceux-ci entraînaient.

Je retournais donc voir ma généraliste pour qu'elle continue à me prescrire mes doses quotidiennes de Tranxilium.

Je ne savais plus vers qui me tourner pour trouver de l'aide et je me retrouvais de plus en plus seule, ma famille ne supportant plus de me voir dans cet état de délabrement avancé.

A la fin de cette année 2006, je ne sortais plus de chez moi que pour aller chercher ma prescription de Tranxilium...

 

... à suivre

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Information:


"Réactions paradoxales aux benzodiazépines

 

 

Les effets paradoxaux des benzodiazépines

Les effets paradoxaux des benzodiazépines (effet contraire à l’effet recherché) sont à distinguer des effets secondaires (aussi appelés effets indésirables). Ces derniers peuvent être gênants ou même dangereux pour la santé, ils ne sont pas pour autant appelés paradoxaux. Ils sont souvent bien identifiés par les médecins (ainsi la perte de mémoire) et par le patient, car ils n’entretiennent aucun rapport avec la situation qui a conduit le patient à prendre la benzodiazépine et le médecin à la prescrire.

Les effets paradoxaux en revanche sont bien plus compliqués à reconnaître car ils sont mal identifiés par le patient et son médecin. Ils sont bien souvent interprétés comme une dégradation autonome de l’état du patient, ce qui conduit à la poursuite du traitement (ou à l’augmentation des doses), alors que c’est précisément le traitement qui aggrave l’état du malade.

Le cercle vicieux s’enclenche alors, la poursuite du traitement ou l’augmentation des doses entraînant une nouvelle aggravation de l’état du patient, à nouveau mal interprétée, et ainsi de suite.

Bien souvent, c’est le patient qui identifiera, le premier, cet effet paradoxal. Les médecins sont trop peu informés de l’existence -et de l’occurrence somme toute assez fréquente- de ces effets paradoxaux et ils refusent souvent l’interprétation que le patient fait de son propre état de santé. Ceci place le patient dans une position impossible, tant en raison de sa situation très dégradée que de l’état de dépendance dans lequel il se trouve déjà engagé.

Les effets paradoxaux sont pourtant indiqués sur les notices des benzodiazépines (même s’ils sont naturellement minimisés pour les raisons que l’on sait). Ils varient souvent d’une benzodiazépine à l’autre et d’un patient à l’autre.

Les effets paradoxaux des benzodiazépines sont les suivants :
-aggravation (ou apparition) de l’insomnie
-aggravation (ou apparition) de l’anxiété, du trouble panique, du trouble d’anxiété généralisée
-aggravation (ou apparition) de la nervosité, de l’agitation
-aggravation (ou apparition) de phobies (ainsi l’agoraphobie, la phobie sociale, les peurs irrationnelles)
-aggravation (ou apparition) de l’hypomania, de l’excitation
-aggravation (ou apparition) de l’agressivité, de l’hostilité, d’une rage irrationnelle
-aggravation (ou apparition) de l’hyperactivité
-aggravation (ou apparition) de spasmes musculaires, du syndrome des jambes / bras qui bougent tous seuls (Restless Leg syndrome), de tremblements
-aggravation (ou apparition) de cauchemars, rêves très mouvementés

Une personne ayant expérimenté une des réactions paradoxales aux benzodiazépines est très susceptible de les connaître presque toutes si elle n’est pas avertie du risque et poursuit son traitement (ou l’augmente).
Les études varient quant à leur appréciation du pourcentage de personnes susceptibles de connaître un effet paradoxal aux benzodiazépines (les estimations les plus basses l’évaluent à 1 pour mille, les plus hautes à 5 pour cent). "

 

Source: http://benzodiazepines.onlc.fr/index.php?page=6

 

06/10/2010

16. Coup de grâce

Année 2005

Depuis trois ans, ma vie s'était comme arrêtée. Je n'avais plus de force et je commençais à baisser les bras face à cette psychiatrie qui m'avait assujettie à ses traitements médicamenteux.

En cette année 2005, j'allais fêter mes 29 ans et mes 11 ans de psychiatrie.

Ma vie n'avait plus de sens. Je ne comprenais plus rien de ce qui m'arrivait, tout m'échappait.

Je vivais sans vivre.

C'est au printemps de cette année que j'appris que mon père souffrait d'un cancer.

Malheureusement, lorsque sa maladie fut détectée, il était déjà trop tard pour le soigner. Ainsi, quelques mois plus tard, l'état de mon père se dégrada très vite et il dut être hospitalisé en soins palliatifs.

Ce fut un coup très dur pour moi.

Comme cela faisait déjà plusieurs années que je n'arrivais plus à supporter les douleurs dues aux effets secondaires et au manque générés par ma dépendance aux médicaments psychiatriques, je ne fis plus d'efforts pour contrôler ma prise en cette période très difficile.

Ainsi dès que le manque se faisait sentir, je prenais un comprimé.

Je n'avais pas la force de supporter l'agonie de mon père et les souffrances dues au manque.

Durant les quelques mois que passa mon père dans le service de soins palliatifs de Rive-Neuve, je ne portais aucune attention au nombre de comprimés que je prenais. Tout ce qui m'importait, c'était de me sentir bien pour pouvoir accompagner mon père dans cette lente agonie.

Je voulais être forte pour pouvoir l'aider et le soutenir, donc je ne voulais pas être gênée par mes problèmes de manque.

Je passais ainsi plusieurs mois au chevet de mon père.

Dès que je rentrais chez moi, je prenais un Tranxilium pour me calmer. J'en prenais un deuxième avant d'aller dormir. Le lendemain, j'en reprenais un en me levant pour pouvoir affronter le journée et finalement, j'en prenais un dernier à midi pour pouvoir aller voir mon père dans l'après-midi.

Cette routine dura jusqu'au 14 novembre 2005, date à laquelle mon père décéda.

A la fin de cette année 2005, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je venais de perdre mon père et maintenant, je devais affronter les problèmes liés à la succession.

Tout cela était très dur à supporter. Les bagarres entre les héritiers, les passages devant le tribunal des successions, etc...

A nouveau, je n'eus pas la force d'ajouter à tout cela, les souffrances dues au manque.

Donc, à nouveau, je ne fis aucunement attention au nombre de comprimés que je prenais. Dès que le manque se faisait sentir, j'avalais un Tranxilium.

Ainsi au printemps de l'année 2006, je prenais cinq comprimés par jour.

La tolérance que j'avais développée à cette substance augmentait de façon exponentielle.

A la fin de l'année 2006, je prenais jusqu'à six Tranxilium par jour.

Je n'arrivais plus à me concentrer, je perdais progressivement ma mémoire à court terme et je commençais également à tenir des discours incohérents.

Je passais mes journées au lit. Je dormais jusqu'à vingt heures par jour. Les effets secondaires s'étaient amplifiés à un tel point que je souffrais en continu.

Les douleurs psychiques étaient telles que je me coupais les avants-bras pour les apaiser. Le fait de souffrir physiquement calmait momentanément les souffrances psychologiques.

Cette période de ma vie fut sans doute la plus pénible. Je me voyais sombrer encore plus dans la dépendance sans pouvoir trouver la force d'en sortir.

Je ne voulais pas mourir comme cela. Je ne voulais pas que la psychiatrie ait raison de moi.

Mais comment m'en sortir? Comment faire pour arrêter de prendre ces satanés médicaments puisque aucun médecin ne voulait m'aider à entamer une procédure de sevrage? Comment trouver la force de lutter seule face à cette dépendance tenace?

J'étais plus bas que jamais aussi bien physiquement que psychologiquement. Je ne savais pas comment allait se présenter l'avenir, ni même s'il y allait avoir un avenir pour moi.

Comment se projeter dans le futur, quand la seule chose qui importe est de savoir quand on pourra enfin prendre sa prochaine dose pour calmer la morsure du manque?

Comment s'imaginer vivre autrement quand cela fait plus d'une dizaine d'années que tout tourne autour de ces satanées substances?

Comment s'affranchir d'elles alors que tout est fait pour que l'on reste accro?

A la fin de cette année 2006, je ne nourrissais plus aucun espoir de liberté et je me laissais dériver au bon gré de cette omniprésente psychiatrie....

 

... à suivre