19/10/2010

19. "Tu ne vas pas nous faire ça! "

Automne 2007

"Tu ne vas pas nous faire ça? "

Depuis quelques jours ma décision était prise, j'allais me sevrer de ces substances qui ruinaient ma vie depuis treize ans. J'allais me débarrasser de cette dépendance aux anxiolytiques et aux antidépresseurs même si aucun médecin ne souhaitait m'aider.

L'emprise de la psychiatrie sur les treize premières années de ma vie d'adulte devait prendre fin.

Je voulais reprendre ma liberté coûte que coûte.

N'ayant pas trouvé de soutien auprès du corps médical, je tentais d'en obtenir auprès de mes proches. Mais lorsque je leur fis part de ma décision d'arrêter de prendre ces médicaments, mes proches ne furent pas du tout contents. Une des phrases qui résume bien l'avis de ma famille à ce sujet est celle de ma grand-mère:

"Tu ne vas pas nous faire ça ! "

Cette phrase est lourde de sens. Elle montre à quel point mes proches étaient convaincus que je souffrais d'une maladie mentale. A quel point les médecins de l'hôpital psychiatrique de Nant leur avaient fait peur treize ans auparavant et à quel point ils avaient soufferts de me voir aussi mal depuis des années.

Leur attitude face à ma décision de soigner ma dépendance aux médicaments m'attrista, mais en même temps, je savais qu'ils ne me seraient d'aucune aide dans ma démarche, puisqu'ils avaient toujours écouté l'avis des psychiatres plutôt que le mien.

Dans ma famille, on ne remet jamais en cause l'avis des "gens instruits": Un médecin ne se trompe jamais et il est mal venu de le contredire.

En ce mois de septembre 2007, je me retrouvais à nouveau bien seule face à mon envie d'arrêter de prendre mes comprimés de Tranxilium. Seul mon conjoint décida de me soutenir dans ma démarche.

Je coupais donc les ponts d'avec mes proches. Comme ils ne m'invitaient plus aux dîners de famille, ni aux anniversaires, ni aux repas de fêtes depuis plusieurs mois déjà, ce ne fut pas très difficile de les tenir éloignés.

En ce mois de septembre 2007, je me retirais chez moi pour entamer mon sevrage.

Heureusement, j'avais quand même une personne à mes cotés, mon conjoint.

Je diminuais très gentiment ma dose de Tranxilium quotidienne. Je prenais 6 comprimés par jour avant le début de mon sevrage et je ne pouvais pas arrêter d'en prendre du jour au lendemain.

Je passais de 6 à 5 comprimés de Tranxilium et même avec une si petite diminution le manque se fit cruellement sentir....

 

... à suivre

 

 

14/10/2010

17. Réactions paradoxales

Année 2006

En cette année 2006, je venais de fêter mes 30 ans.

Cela faisait douze ans que je prenais des neuroleptiques, des antidépresseurs et/ou des anxiolytiques suite à l'hospitalisation ambulatoire en unité psychiatrique que j'avais subie au cours de ma dernière année de gymnase à l'âge de 18 ans.

J'avais bien tenté d'arrêter de prendre ces médicaments psychiatriques à plusieurs reprises, mais je n'y étais jamais parvenue à cause de la dépendance que j'avais développée à ces produits.

A cette dépendance qui durait depuis plus de 11 ans était venue s'ajouter la tolérance au médicament. Ainsi, il me fallait augmenter les doses pour obtenir le résultat des premières prises et calmer les symptômes de manque.

Au début, lorsque la tolérance à un médicament apparaissait, les psychiatres m'en prescrivaient un autre. J'étais ainsi passée d'un médicament psychiatrique à un (ou plusieurs) autre(s) pendant dix ans.

Mais depuis une année, je n'avais plus eu la force d'aller voir un psychiatre. Je n'en pouvais plus de chaque fois faire face à des personnes qui n'en avaient rien à faire de ma souffrance et de ma dépendance à leurs produits.

A chaque fois que j'allais voir un nouveau psychiatre, je nourrissais le fol espoir que ce dernier serait celui qui m'aiderait à arrêter de prendre ces produits. Malheureusement, la seule chose qu'il me proposait, était de changer de médicament et non de l'arrêter.

N'ayant plus changé de médicament depuis plus d'une année, la tolérance que j'avais développée à ce dernier m'avait conduite à en prendre de plus en plus pour éviter de souffrir de l'effet de manque.

A la fin de l'année 2006, je prenais jusqu'à 6 comprimés de Tranxilium par jour. Je me les faisais prescrire par ma généraliste.

Bien évidemment, j'allais de plus en plus mal.

Je commençais à prendre beaucoup de poids, je perdais la mémoire de façon catastrophique, mon raisonnement et ma logique n'étaient plus que de vagues souvenirs.

Je tenais des discours de plus en plus incohérents et mon sommeil n'était plus du tout réparateur même si je passais plus de seize heures par jour à dormir. Une fatigue chronique s'était installée depuis plusieurs années et je n'arrivais pas à en venir à bout

Tous ces effets secondaires n'avaient fait que s'amplifier depuis dix ans et je commençais même à souffrir d'effets paradoxaux très lourds.

Je souffrais d'une anxiété généralisée, d'agoraphobie, de nervosité, d'agitation, d'excitation, d'irritabilité, d'agressivité et de rage irrationnelle.

Cette rage fit peur à mes proches et la plupart coupèrent les ponts d'avec moi.

Comme je supportais de moins en moins bien de me retrouver seule, je décidais d'en parler avec ma généraliste.

J'avais fait quelques recherches sur Internet et j'avais associés mes réactions paradoxales à une nouvelle maladie psychiatrique: L'état limite ou pathologie Borderline.

Mes émotions étaient tellement exacerbées par la prise de Tranxilium que mon état ressemblait tout à fait à la description des personnes Borderlines.

Ma généraliste me donna une adresse à Prangins où une psychiatre spécialiste des Borderlines me reçu.

Bien évidemment, elle confirma que mon exacerbation émotionnelle était le signe clinique de la pathologie Borderline.

Je lui demandais de m'aider à me soigner, mais elle me répondit que comme je n'avais pas fait de tentative de suicide, elle ne pouvait pas me prendre en charge. Le réglement de l'établissement était très clair à ce sujet, seules les personnes ayant commis une ou plusieurs tentatives de suicide pouvaient être admises dans cet établissement.

Je me retrouvais une fois de plus sans aide face à mes problèmes de dépendance et de tolérance aux médicaments psychiatriques, ainsi que face aux nombreux effets secondaires et paradoxaux que ceux-ci entraînaient.

Je retournais donc voir ma généraliste pour qu'elle continue à me prescrire mes doses quotidiennes de Tranxilium.

Je ne savais plus vers qui me tourner pour trouver de l'aide et je me retrouvais de plus en plus seule, ma famille ne supportant plus de me voir dans cet état de délabrement avancé.

A la fin de cette année 2006, je ne sortais plus de chez moi que pour aller chercher ma prescription de Tranxilium...

 

... à suivre

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Information:


"Réactions paradoxales aux benzodiazépines

 

 

Les effets paradoxaux des benzodiazépines

Les effets paradoxaux des benzodiazépines (effet contraire à l’effet recherché) sont à distinguer des effets secondaires (aussi appelés effets indésirables). Ces derniers peuvent être gênants ou même dangereux pour la santé, ils ne sont pas pour autant appelés paradoxaux. Ils sont souvent bien identifiés par les médecins (ainsi la perte de mémoire) et par le patient, car ils n’entretiennent aucun rapport avec la situation qui a conduit le patient à prendre la benzodiazépine et le médecin à la prescrire.

Les effets paradoxaux en revanche sont bien plus compliqués à reconnaître car ils sont mal identifiés par le patient et son médecin. Ils sont bien souvent interprétés comme une dégradation autonome de l’état du patient, ce qui conduit à la poursuite du traitement (ou à l’augmentation des doses), alors que c’est précisément le traitement qui aggrave l’état du malade.

Le cercle vicieux s’enclenche alors, la poursuite du traitement ou l’augmentation des doses entraînant une nouvelle aggravation de l’état du patient, à nouveau mal interprétée, et ainsi de suite.

Bien souvent, c’est le patient qui identifiera, le premier, cet effet paradoxal. Les médecins sont trop peu informés de l’existence -et de l’occurrence somme toute assez fréquente- de ces effets paradoxaux et ils refusent souvent l’interprétation que le patient fait de son propre état de santé. Ceci place le patient dans une position impossible, tant en raison de sa situation très dégradée que de l’état de dépendance dans lequel il se trouve déjà engagé.

Les effets paradoxaux sont pourtant indiqués sur les notices des benzodiazépines (même s’ils sont naturellement minimisés pour les raisons que l’on sait). Ils varient souvent d’une benzodiazépine à l’autre et d’un patient à l’autre.

Les effets paradoxaux des benzodiazépines sont les suivants :
-aggravation (ou apparition) de l’insomnie
-aggravation (ou apparition) de l’anxiété, du trouble panique, du trouble d’anxiété généralisée
-aggravation (ou apparition) de la nervosité, de l’agitation
-aggravation (ou apparition) de phobies (ainsi l’agoraphobie, la phobie sociale, les peurs irrationnelles)
-aggravation (ou apparition) de l’hypomania, de l’excitation
-aggravation (ou apparition) de l’agressivité, de l’hostilité, d’une rage irrationnelle
-aggravation (ou apparition) de l’hyperactivité
-aggravation (ou apparition) de spasmes musculaires, du syndrome des jambes / bras qui bougent tous seuls (Restless Leg syndrome), de tremblements
-aggravation (ou apparition) de cauchemars, rêves très mouvementés

Une personne ayant expérimenté une des réactions paradoxales aux benzodiazépines est très susceptible de les connaître presque toutes si elle n’est pas avertie du risque et poursuit son traitement (ou l’augmente).
Les études varient quant à leur appréciation du pourcentage de personnes susceptibles de connaître un effet paradoxal aux benzodiazépines (les estimations les plus basses l’évaluent à 1 pour mille, les plus hautes à 5 pour cent). "

 

Source: http://benzodiazepines.onlc.fr/index.php?page=6

 

06/10/2010

16. Coup de grâce

Année 2005

Depuis trois ans, ma vie s'était comme arrêtée. Je n'avais plus de force et je commençais à baisser les bras face à cette psychiatrie qui m'avait assujettie à ses traitements médicamenteux.

En cette année 2005, j'allais fêter mes 29 ans et mes 11 ans de psychiatrie.

Ma vie n'avait plus de sens. Je ne comprenais plus rien de ce qui m'arrivait, tout m'échappait.

Je vivais sans vivre.

C'est au printemps de cette année que j'appris que mon père souffrait d'un cancer.

Malheureusement, lorsque sa maladie fut détectée, il était déjà trop tard pour le soigner. Ainsi, quelques mois plus tard, l'état de mon père se dégrada très vite et il dut être hospitalisé en soins palliatifs.

Ce fut un coup très dur pour moi.

Comme cela faisait déjà plusieurs années que je n'arrivais plus à supporter les douleurs dues aux effets secondaires et au manque générés par ma dépendance aux médicaments psychiatriques, je ne fis plus d'efforts pour contrôler ma prise en cette période très difficile.

Ainsi dès que le manque se faisait sentir, je prenais un comprimé.

Je n'avais pas la force de supporter l'agonie de mon père et les souffrances dues au manque.

Durant les quelques mois que passa mon père dans le service de soins palliatifs de Rive-Neuve, je ne portais aucune attention au nombre de comprimés que je prenais. Tout ce qui m'importait, c'était de me sentir bien pour pouvoir accompagner mon père dans cette lente agonie.

Je voulais être forte pour pouvoir l'aider et le soutenir, donc je ne voulais pas être gênée par mes problèmes de manque.

Je passais ainsi plusieurs mois au chevet de mon père.

Dès que je rentrais chez moi, je prenais un Tranxilium pour me calmer. J'en prenais un deuxième avant d'aller dormir. Le lendemain, j'en reprenais un en me levant pour pouvoir affronter le journée et finalement, j'en prenais un dernier à midi pour pouvoir aller voir mon père dans l'après-midi.

Cette routine dura jusqu'au 14 novembre 2005, date à laquelle mon père décéda.

A la fin de cette année 2005, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je venais de perdre mon père et maintenant, je devais affronter les problèmes liés à la succession.

Tout cela était très dur à supporter. Les bagarres entre les héritiers, les passages devant le tribunal des successions, etc...

A nouveau, je n'eus pas la force d'ajouter à tout cela, les souffrances dues au manque.

Donc, à nouveau, je ne fis aucunement attention au nombre de comprimés que je prenais. Dès que le manque se faisait sentir, j'avalais un Tranxilium.

Ainsi au printemps de l'année 2006, je prenais cinq comprimés par jour.

La tolérance que j'avais développée à cette substance augmentait de façon exponentielle.

A la fin de l'année 2006, je prenais jusqu'à six Tranxilium par jour.

Je n'arrivais plus à me concentrer, je perdais progressivement ma mémoire à court terme et je commençais également à tenir des discours incohérents.

Je passais mes journées au lit. Je dormais jusqu'à vingt heures par jour. Les effets secondaires s'étaient amplifiés à un tel point que je souffrais en continu.

Les douleurs psychiques étaient telles que je me coupais les avants-bras pour les apaiser. Le fait de souffrir physiquement calmait momentanément les souffrances psychologiques.

Cette période de ma vie fut sans doute la plus pénible. Je me voyais sombrer encore plus dans la dépendance sans pouvoir trouver la force d'en sortir.

Je ne voulais pas mourir comme cela. Je ne voulais pas que la psychiatrie ait raison de moi.

Mais comment m'en sortir? Comment faire pour arrêter de prendre ces satanés médicaments puisque aucun médecin ne voulait m'aider à entamer une procédure de sevrage? Comment trouver la force de lutter seule face à cette dépendance tenace?

J'étais plus bas que jamais aussi bien physiquement que psychologiquement. Je ne savais pas comment allait se présenter l'avenir, ni même s'il y allait avoir un avenir pour moi.

Comment se projeter dans le futur, quand la seule chose qui importe est de savoir quand on pourra enfin prendre sa prochaine dose pour calmer la morsure du manque?

Comment s'imaginer vivre autrement quand cela fait plus d'une dizaine d'années que tout tourne autour de ces satanées substances?

Comment s'affranchir d'elles alors que tout est fait pour que l'on reste accro?

A la fin de cette année 2006, je ne nourrissais plus aucun espoir de liberté et je me laissais dériver au bon gré de cette omniprésente psychiatrie....

 

... à suivre