18/08/2010

5. Les packs

Nous allions entrer dans l'année 1995. Cela faisait maintenant deux mois que je subissais des tortures physiques et psychiques.

Ca avait commencé par ces injections forcées de médicaments et c'était en train de se poursuivre par ces "packs".

A chaque entretien, je tentais de garder ma petite culotte, c'était devenu le but ultime de ma vie. Mais à chaque fois, je n'arrivais pas à tenir mes positions face aux psychiatres. Ils me forçaient à me dévêtir et à me coucher sur les draps mouillés qu'ils avaient étendus sur le lit. Une fois que j'étais allongée, ils refermaient ces draps glacés sur mon corps en prenant bien soin d'immobiliser mes bras et mes jambes. Je me retrouvais ainsi dans l'impossibilité de bouger pendant 45 minutes.

Dès qu'ils m'avaient ligotée, je ressentais la morsure du froid transpercer mon corps et mon âme. Le froid de ces draps glacés et détrempés était tellement vif que mes dents se mettaient à claquer et que ma tête devenait douloureuse.

Eux étaient contents, car comme ils me l'expliquaient, c'étaient eux qui avaient mis au point cette technique des packs et ils étaient les seuls à la pratiquer en Suisse: "Nous sommes des pionniers!", s'exclamaient-ils tous fiers. Ils m'expliquaient ensuite que cette méthode était sensée me détendre et me permettre de retrouver ma sérénité...

Franchement, comment voulez-vous vous détendre quand on vous a obligé à vous dévêtir entièrement et que vous êtes gelé jusqu'aux os? Pour moi en tous cas, c'était devenu un supplice doublé d'une humiliation profonde.

J'appréhendais chaque rendez-vous. En plus, nous étions en plein hiver et la maigreur que j'avais atteinte me faisait encore plus subir la morsure du froid. Il me fallait plusieurs heures pour arriver à me réchauffer après chaque rendez-vous.

Ces entretiens étaient physiquement très éprouvants. Une bonne partie du peu d'énergie vitale qu'il me restait passait dans ce combat contre le froid.

Mais pendant ces 45 minutes passées ligotée dans le froid, il fallait encore que je subisse leurs discours.

J'avais été orientée vers l'hôpital psychiatrique de Nant à cause de mon anxiété et de mes inquiétudes face à ma dernière année de gymnase. J'avais tellement peur de ne pas être à la hauteur que j'avais sacrifié toute mon adolescence à la réussite de mes études, ce qui m'avait conduite à un épuisement nerveux. J'avais de la peine à trouver le sommeil et le manque de repos ne faisait qu'aggraver mon anxiété. J'avais visiblement trop tiré sur la corde les deux années précédentes et mon corps me le faisait savoir.

Malheureusement, ce n'est pas de ça que me parlaient les psychiatres. Dans leur discours, il était question de problème de rébellion et de sexualité.

Je ne sais pas où ils ont été chercher ça, car je ne me rebellais pas contre l'autorité, bien au contraire, j'en avais tellement peur, que je me conformais à tout. Je ne fumais pas, ne buvais pas, ne me droguais pas, ne sortais pas et acceptais de faire ce qu'on me disait.

La seule rébellion que j'ai eue c'était face à eux et à leurs traitements humiliants et inhumains.

Quant à savoir quel problème ils ont trouvé à ma sexualité, je ne vois pas.

Bref, les deux thèmes abordés lors de ces consultations psychiatriques ne me semblaient pas être le centre du problème. Mes soucis se situaient plus du côté du surmenage, du manque de sommeil et du surinvestissement dans mes études.

Avec le recul, je pense qu'ils croyaient que j'avais un problème sexuel à cause de ma résistance face à l'enlèvement de ma culotte pour entrer dans leurs packs. Et bien sûr, j'avais certainement à leurs yeux un problème avec l'autorité vu que j'avais toujours été réfractaire aux traitements qu'ils m'imposaient.

Ces deux mois de la fin de l'année 1994 ont été un enfer. On me privait de mes cours, du soutien de ma mère, de ma liberté, de mon corps et de mon âme. J'étais passée en quelques semaines du statut d'étudiante brillante à celui de déchet humain.

Je n'étais plus rien, à quoi bon vivre?

à suivre...

 

17/08/2010

4. Premier entretien psychothérapeutique

Depuis le début de ce mois de novembre 1994, ma vie avait pris une tournure que je n'aurais jamais pensée possible.

Les psychiatres de l'Hôpital psychiatrique de Nant m'avaient pris ma liberté et m'avaient contrainte à suivre un traitement médicamenteux contre mon gré. Pendant un mois, ils m'avaient administré quotidiennement des psychotropes par voie intraveineuse.

Mon corps avait alors acquis une dépendance à ces substances et j'ai fini par les prendre docilement par voie orale.

Comme j'avais fini par plier et par avaler sans résister les anxiolytiques et les neuroleptiques qu'ils m'avaient prescrits, les psychiatres ont décidé qu'il était temps de me faire entreprendre une psychothérapie.

Ils ont donc fixé des dates de rendez-vous à une fréquence de deux fois par semaine. Il n'y avait plus de problème pour savoir si ça allait convenir avec les horaires de mes cours, car j'étais maintenant incapable de suivre ne serait-ce qu'une heure de cours, les médicaments me faisant dormir jusqu'à 23 heures par jour.

Toutefois, le fait que je dorme autant et que j'ai perdu dix kilos en si peu de temps ne semblait pas inquiéter ma mère outre mesure. Elle ne voyait pas du tout le traitement psychiatrique qui m'était imposé comme néfaste pour ma santé. Je crois que c'est une chose qui me laissera toujours perplexe: Comment une mère peut laisser son enfant aux mains de personnes qui visiblement sont en train de la détruire sans intervenir? Peut-être que c'est là que se manifeste la toute puissance de la psychiatrie: Personne n'ose remettre en cause leurs traitements et encore moins leur autorité.

Après ce mois de silence, on allait me parler. Je dois dire que cela ne m'enchantait pas plus que ça, car que pouvais-je bien dire à de telles personnes? Je n'avais pas du tout envie de confier quoi que se soit à ces médecins qui m'avaient pris ma vie.

Et encore une fois, je me rendis à contre coeur à l'hôpital psychiatrique de jour de la fondation de Nant, pour ce premier entretien thérapeutique.

Je me disais que ça ne pouvait pas être pire que ce qu'ils m'avaient déjà fait. Eh bien j'avais tort....

Arrivée dans l'établissement, on me conduisit à nouveau dans cette chambre que je connaissais maintenant si bien. Mais cette fois on me demanda d'enlever tous mes vêtements, même ma petite culotte. Là, je restais à nouveau interdite. Quoi? Que me demandaient-ils de faire pour commencer cette entretien psychothérapeutique? Doit-on vraiment être nu pour pouvoir parler? Non, certainement pas!

Je reposais la question pour être sûre de ce que j'avais entendu et effectivement ils réitérèrent leur demande. Je refusais. Il n'était pas question qu'ils me mettent toute nue pour parler.

Mais ils insistèrent en disant que cela faisait partie de la thérapie, que je devais me mettre nue pour qu'ils puissent m'envelopper dans des draps trempés dans de l'eau glacée. Ils appelaient cela les "packs". Effectivement, ligoté dans une dizaine de draps gelés, le patient ne peut ressemblé qu'à un paquet.

Je refusais de nouveau avec force de me plier à leur traitement. Il n'était pas question que j'ôte mes vêtements devant ces personnes qui m'inspiraient si peu de confiance. Adolescente pudique, j'avais toujours eu de la peine à me mettre nue ne serait-ce que devant ma mère ou ma soeur, alors me retrouver dans cette tenue devant des personnes qui ne m'inspiraient que de la peur, pas question!

S'engagea pour moi un nouveau combat: celui de garder le peu d'amour-propre qu'il me restait en ne cédant pas à cette humiliation. J'avais déjà perdu beaucoup, je n'allais pas encore perdre le peu de dignité qu'il me restait.

Je résistais avec une force redoublée. Des larmes de colère et d'incompréhension me coulaient le long des joues pendant que je faisais à nouveau face à mes trois tortionnaires: L'infirmier, l'interne en psychiatrie et le psychiatre en chef.

Cette fois, j'étais bien décidée à ne pas les laisser gagner plus de terrain qu'ils ne l'avaient déjà fait. Pendant les 45 minutes que durèrent ce pseudo entretien psychothérapeutique, je résistais vaillamment et je réussis à garder tous les bouts de tissu qui me couvraient le corps.

Je rentrais épuisée à la maison et terrorisée à l'idée de devoir retourner dans cet hôpital le surlendemain pour le second entretien.

Je me sentais seule dans ce combat, car je ne pouvais pas en parler à ma mère, étant donné qu'elle était raliée à leur cause et qu'elle était persuadée qu'ils me faisaient subir tout ça pour mon bien.

Encore une fois, j'allais devoir me battre seule pour défendre mon intégrité.

Je dormis très mal, les cauchemars ayant commencé à peupler mes nuits.

Deux jours plus tard, je retournais, un peu abattue, au second entretien. Je n'étais plus sûre du tout de pouvoir tenir très longtemps face aux discours humiliants de ces psychiatres.

J'essayais pourtant de résister, encore et toujours. Je ne voulais pas céder et perdre toute ma dignité.

Malheureusement, je ne résistais pas très longtemps. Je tentais toutefois de négocier un compromis: Je voulais bien enlever mes vêtements et me laisser ligoter dans ces draps glacés sans faire d'histoire si je pouvais garder mes sous-vêtements. Mais encore là, ça ne leur suffisait pas. Pour eux, il fallait que je sois totalement nue pour entrer dans leurs "packs".

Ne supportant plus leur chantage, j'enlevais ma culotte en pleurant toutes les larmes de mon corps: Mon amour-propre venait de voler en éclats...

Je venais de perdre les derniers vestiges d'humanité qu'il me restait: ils avaient gagné, je n'étais plus rien...

 

à suivre...

 

 

13/08/2010

3. "Vol au-dessus d'un nid de coucou"

Quand la réalité rejoint la fiction.

 

En fait, j'ai fait comme Jack Nicholson dans le film "Vol au-dessus d'un nid de coucou".

Au début, je me suis rebellée en ne voulant pas aller en hôpital psychiatrique.

Puis j'ai négocié un compromis pour essayer d'alléger ma peine.

Une fois sur place, j'ai refusé de prendre les pilules qu'on me donnait, alors ils me les ont administrés de force.

Ensuite, je me suis un peu résignée et j'ai décidé de collaborer pour que ça passe plus vite.

Enfin, je me suis à nouveau rebellée parce qu'on ne me rendait toujours pas ma liberté.

Et j'ai fini par y perdre mon âme, comme Jack Nicholson dans le film y a perdue la sienne.

 

Celui qui a écrit le scénario de "Vol au-dessus d'un nid de coucou" devait bien connaître ce milieu, car il y a beaucoup de vérités dans ce film.

Les spectateurs pensent certainement que ce n'est que de la fiction et que dans la réalité, on n'enferme pas les gens sains d'esprit.

Mais faites attention, parfois la réalité rejoint la fiction et ça arrive plus souvent que vous ne le pensez!

 

Informations Wikipédia:

Vol au-dessus d'un nid de coucou (One Flew Over the Cuckoo's Nest) est un film américain de 1975 réalisé par Milos Forman et interprété par Jack Nicholson dans le rôle de McMurphy et Louise Fletcher dans le rôle de Miss Ratched. Adapté d' un roman de Ken Kesey, paru en 1962. Le terme cuckoo désigne en anglais l'oiseau coucou et une personne mentalement dérangée, à l'image des patients de l'hôpital psychiatrique de l'intrigue.

Synopsis:
Randle P. McMurphy se fait interner pour échapper à la prison. Il va être touché par la détresse et la solitude des patients. Très rapidement, il comprend que l'infirmière en chef, Mlle Ratched, a imposé des règles strictes et entend bien les faire respecter. Il décide alors de révolutionner ce petit monde.

à suivre...